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Interview réalisée par les CAPa SAPVER avec le soutien du journaliste Philippe Baqué

Interview  réalisée par les CAPa SAPVER avec le soutien du journaliste Philippe Baqué
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LES PERSONNES  GÉES
PEUVENT SE LAISSER MOURIR PAR DÉSESPOIR
Nous avons travaillé en stage d'aide-soignant auprès de personnes âgées dans des Établissement d'hébergement de personnes âgées dépendantes (EHPAD). Nous nous sommes posés des questions sur les maladies neuro-dégénératives et les crises de démence liées à la vieillesse. Pour en savoir plus, nous avons interviewé une psychologue qui a une grande expérience en gériatrie, la médecine de la vieillesse.


Dans les Ehpad, le travail d'une aide-soignante ou d'un aide-soignant consiste principalement à faire du soin : l'aide à la prise de repas, donner des médicaments avec l'aide de l'infirmière, faire une toilette et un change. Mais la plupart des soignants qui travaillent en EHPAD n'ont pas le temps d'apporter de la présence humaine et de l'affection aux résidents. Ces derniers vivent dans la solitude. Ces personnes âgées pourraient être nos grands-parents et nous avons pu nous attacher à eux pour leur donner du baume au cœur. Nous avons interviewé Sandra Faberger qui est psychologue à l'hôpital d'Aix-en-Provence. Elle travaille à l'unité gériatrique et aussi à l'Ehpad qui dépend de l'hôpital. Nous lui avons demandé de nous parler de son expérience car en tant que psychologue elle est confrontée tous les jours aux souffrances des personnes âgées malades ou démentes. Elle les écoute et leur apporte du réconfort.

Question : Pourquoi avez-vous choisi ce métier ?
SF : J'avais envie d'être proche des gens et de les aider puisque la psychologie est un soin.

Question :Pourquoi redevient-on comme un enfant quand on vieillit ?
SF : En fait on ne redevient pas enfant. Ce qui se passe c'est que chez certains patients on va avoir des maladies appelées neuro-dégénératives. Ce sont des maladies qui vont altérer les fonctions supérieures qui sont la mémoire, l'attention, la concentration, le langage. Ce sont des maladies neurologiques. La difficulté c'est qu'en vieillissant, il y a plusieurs pathologies qui s'installent. Les personnes âgées vont avoir des difficultés pour parler, pour mémoriser ou pour utiliser des objets. Et elles vont avoir aussi des difficultés pour les choses quotidiennes. La personne âgée désapprend des choses qu'elle avait appris alors que l'enfant lui il ne sait pas et il va apprendre. Ce n'est pas la même chose. Ces personnes âgées deviennent démentes à cause de la maladie mais pas à cause de la vieillesse. Toutes les personnes âgées ne retournent pas en enfance.

Question :Est ce que la vieillesse fait peur ?
SF : Oui elle fait peur. Je pense que c'est la société qui veut cela. La vieillesse ne correspond pas aux canons de la mode ou aux critères de performance. Je pense que la société ne soutient pas la vieillesse. Ce qui est triste c'est que dans notre société, il faut être beau et dynamique alors que les patients âgés sont beaucoup plus ralentis mais ils ont encore beaucoup de ressources et de connaissances.

Question :Est ce que la peur de la mort peut provoquer la démence ?
SF : Aujourd'hui on n'a pas d'études prouvant que le fait de vieillir ou d'avoir peur de la mort amène une pathologie neuro-dégénérative. Cela fait partie des hypothèses. On peut imaginer que le fait d'avoir une angoisse liée à la mort ou à la séparation peut provoquer des troubles psychiatriques.  Par contre des études qui commencent à avancer montrent que les souffrances et les maltraitances vécues durant l'enfance peuvent générer des pathologies neuro-dégénératives.

Question :Est ce que la société met les personnes âgées de côté parce qu'on ne sait pas s'occuper d'elles ?
SF : C'est une bonne question. Je pense qu'elle les met de côté parce qu'elles n'engendrent pas forcément de l'économie et parce qu'elles représentent un coût pour la société. Du coup on ne développe pas toutes les compétences pour bien s'occuper d'elles.

Question :Ont-ils plus besoin de médicaments que de présence humaine ?
SF : Je pense qu'ils ont besoin des deux. Et les personnes âgées qu'on reçoit à l'hôpital elles ont en général huit pathologies associées. C'est la problématique de la gériatrie. Donc forcément elles vont avoir besoin de médicaments. Mais je reste persuadée que la relation à l'autre est très importante. La présence des proches joue un rôle important. Mais cela est un peu oublié.

Question : Comment s'est passée la crise du Covid dans votre hôpital ?
SF : Je travaille dans une Unité de soins longue durée (USLD), un lieu de vie où les personnes âgées vivent. On a eu beaucoup de patients contaminés. On a manqué de matériel. Et pour les personnes malades ça a été difficile parce qu'il était difficile de les prendre en charge et aussi les familles étaient interdites de visite. Cela a entraîné beaucoup de dépressions et cela nous a demandé beaucoup d'efforts pour les aider.

Question : Comment les personnes âgées se trouvant dans les Ehpad ont-elles vécu l'interdiction de voir leur famille ?
SF : Très mal. Elles ont été extrêmement isolées durant le premier confinement. Les résidents durant deux mois n'ont pas pu voir leur famille. Il y avait un isolement très sévère. Personne ne peut remplacer la famille, l'amour d'un proche. Les soignants étaient là mais cela ne pouvait pas suffire. Il y avait aussi l'absence de contact physique. On ne pouvait pas les toucher. Il y avait des règles difficiles à suivre. On a eu des décès dus à des syndromes de glissement. C'est un trouble psychologique. Les personnes peuvent se laisser mourir par désespoir.

Interview réalisée par Maëva Roy, Florine Hotton, Hindy Belkhir et Loane Gerard avec le soutien du journaliste Philippe Baqué

 

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